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Rencontre hebdomadaire entre éleveurs et négociants dans la halle où la mezzanine offre un beau point de vue sur les transactions. A 10h la cloche retentit et les négociants courent pour avoir les meilleurs veaux ! Marché forain et fermier dans le villageLe marché aux veaux naissants de S-Laurent-de-Chamousset est une rencontre hebdomadaire incontournable entre éleveurs et négociants. Il a lieu dans la halle, pour répondre aux normes sanitaires. Une mezzanine a été aménagée pour les visiteurs, offrant un point de vue imprenable sur le cérémonial des transactions. Il faut être là à 9h45, car à 10h, la cloche retentit, le portail s'ouvre, et les négociants courent pour avoir les meilleurs veaux ! Il y a également un marché forain et un marché fermier dans le centre du village.
1Le négoce du bétail, tel que nous l’entendons, inclut toutes les transactions qui portent sur les bovins, qu’ils soient maigres ou gras, destinés à l’engraissement ou à la boucherie, échangés dans les fermes ou sur les champs de foire. Cette activité a été peu étudiée par les historiens 1. Ce désintérêt peut s’expliquer de plusieurs manières. L’élevage des bovins est resté, jusqu’à la seconde moitié du 19e siècle, une activité marginale dans le système de polyculture alors prédominant dans les campagnes françaises 2. Cette position subordonnée de l’élevage traduit la faiblesse quantitative et le caractère récent des études centrées sur les pays dont l’élevage constitue une composante essentielle, voire quasi-exclusive » 3. Le Charolais-Brionnais 4, cadre de notre étude, est dans ce cas, de même que de nombreux petits pays français où l’élevage s’est imposé très tôt comme l’activité essentielle. On peut citer, par exemple, le cas de la Normandie où l’embouche a été étudiée dans les années 1980 par l’historien Bernard Garnier 5. Un second élément d’explication relève du désintérêt souvent porté aux intermédiaires 6. Comme toute activité essentiellement commerciale – acheter et vendre un produit sans le travailler et le transformer – le commerce du bétail souffre d’images et d’a priori négatifs. Les commerçants sont bien souvent considérés comme des intermédiaires prélevant une marge sans contrepartie. De plus, dans nos sociétés latino-chrétiennes, le commerçant n’est pas valorisé, contrairement à ce qui se passe dans les sociétés anglo-saxonnes et protestantes qui lui donnent une place centrale. L’élément d’explication essentiel de cette invisibilité historique réside donc dans la mauvaise image, associée à leur activité, dont ont pâti les commerçants en bestiaux par le passé 7. Le terme de maquignon », autrefois employé pour désigner le commerçant en bestiaux, est aujourd’hui connoté péjorativement. Ce mot constitue, pour nombre de négociants actuels, la preuve d’une mauvaise image portée sur les intermédiaires 8. À l’origine utilisé pour qualifier les marchands de chevaux, ce terme été étendu aux marchands de bétail. Il n’est pas aisé de savoir à quelle époque et dans quelles conditions. Les maquignons » étaient accusés de gagner de l’argent sur le dos » des éleveurs, sans contrepartie pouvant justifier leur activité. Cette mauvaise image est aussi liée au fait que les relations entre les éleveurs et les commerçants en bestiaux sont ambivalentes. En effet, les marchands de bestiaux sont bien souvent d’origine paysanne, leurs parents ou grands-parents étaient éleveurs et ils le sont parfois eux-mêmes. S’ils cernent donc bien le travail d’élevage, leurs activités commerciales leur ont donné une meilleure connaissance des animaux et des possibilités de les valoriser. Ainsi, peut-être parce qu’ils sont mieux informés et ont généralement réussi financièrement, les commerçants sont à la fois respectés et jalousés par l’éleveur 9. Malgré son rôle économique indispensable, la profession est souvent collectivement décriée et accusée de prélever des marges excessives, alors que, non sans paradoxe, au niveau individuel, les relations entre l’éleveur et son négociant sont empreintes de beaucoup de confiance, comme on peut s’en rendre compte sur le terrain. 2Certains chercheurs ont néanmoins approché ce sujet en marge de leur thème d’étude. Les auteurs qui ont travaillé sur les foires et marchés ont ainsi plus ou moins abordé la question du commerce des bovins 10. Mais les acteurs de ce commerce ne font pas l’objet d’une recherche fine, ils ne sont appréhendés que dans les relations qu’ils entretiennent avec la place marchande. Il nous fallait donc quitter ce lieu pour aller chez un commerçant en bestiaux et tenter de saisir l’insaisissable. En effet, l’obscurité qui a longtemps régné sur les échanges, l’absence de comptabilité écrite jusqu’à un passé proche 11, la culture du secret au sein de ce monde semblent, de prime abord, autant d’adversités quasi-insurmontables. Pourtant, la connaissance de la société rurale du Charolais-Brionnais passe par une approche des transactions portant sur les bovins et des circuits commerciaux générés par celles-ci. 3La persévérance, conjuguée à une bonne dose de chance, nous a permis de surmonter ces obstacles, en ayant accès à une comptabilité commerciale, couvrant la période 1977-1995. Son propriétaire, Bernard Lorton, âgé aujourd’hui d’une cinquantaine d’années, fait du commerce de bétail depuis 1972. Il s’est installé dans la commune de Varennes-sous-Dun, aux confins du Charolais-Brionnais à l’extrémité sud du département de la Saône-et-Loire, à la limite du Rhône, sur la petite exploitation que faisait valoir son père. Ce dernier faisait de l’élevage de bovins charolais. Son fils, considérant l’étroitesse de l’exploitation qui ne pouvait guère être agrandie, et attiré par le commerce, s’est lancé dans cette activité. Située à proximité du haut Beaujolais, son activité a d’abord consisté à écouler les petits veaux issus des cheptels laitiers du secteur qu’il désigne lui-même sous le qualificatif de la montagne », et qui regroupe les communes situées au nord du département du Rhône et en bordure de celui de la Saône-et-Loire. Il s’est ensuite progressivement orienté, lorsque se sont développés les cheptels allaitants charolais, vers l’écoulement des produits de cet élevage broutards puis taurillons, tout en élargissant son aire d’achat. L’étude des livres de comptes, qui nous ont été offerts, permet d’appréhender, au plus près et au quotidien, l’activité du négoce de bétail. En fonction de contraintes de temps et de traitement, nous avons fait le choix de travailler sur les années 1977, 1985 et 1993. Cette recherche nous a paru suffisamment riche pour permettre une première exploitation d’ensemble que nous livrons ici. Les résultats de ce long et passionnant travail témoignent des évolutions qu’a connues l’activité durant cette période. 4Dans un contexte de profonds changements au sein de la filière – industrialisation de la viande, prise de pouvoir des grandes surfaces et des centrales d’achat, mise en place du marché européen et d’aides à la production, mondialisation des échanges – il s’agit de voir comment le négoce traditionnel a su s’adapter. 5En Saône-et-Loire, au milieu des années 1970, environ 70 % des animaux sont vendus à la ferme 12, surtout dans le maigre. Les commerçants en bestiaux dominent le marché, ils contrôlent celui du maigre, puisque 78 % des ventes se font par leur intermédiaire 13. Ils réalisent 68 % de leurs achats sur le marché du maigre et 32 % sur celui du gras 14. Ils travaillent principalement avec des éleveurs de bovins de race charolaise qui leur sont favorables parce que, selon eux, il existe une libre discussion avec les marchands qui paient comptant et qui achètent tous types de bêtes. Le commerce est facilité. L’individualisme qui caractérise la région étudiée et les contacts personnels entre l’éleveur et le marchand justifient bien la préférence pour ce type de débouché. Les groupements n’ont encore qu’un faible impact. La part réduite du marché prise par la coopération, environ 20 %, suffit à rappeler que le système charolais est un système social, qui reste très cohérent et marqué par la commercialisation traditionnelle » incarnée à la fois par les négociants et les foires et marchés. La comptabilité commerciale, du document à l’entreprise un moyen d’approcher le négoce du bétail 6Les documents que nous avons recueillis et sauvés d’une destruction certaine, sont d’une grande richesse et d’une incomparable utilité pour étudier de près le fonctionnement du commerce du bétail. Ils se présentent sous la forme de cahiers deux par an au début de la période, une demi-douzaine dans les années 1990, dans lesquels sont répertoriés tous les animaux achetés par le négociant. Une ligne correspond à un animal. Chaque ligne contient la date d’achat, la catégorie de l’animal, les nom, prénom et adresse des fournisseurs principalement des éleveurs, quelquefois d’autres commerçants, le numéro d’identification de la bête si elle en possède un ce qui au début de la période étudiée, et contrairement à aujourd’hui, n’était pas obligatoire, le prix d’achat, la date de vente, les nom, prénom et adresse du client un autre commerçant, un engraisseur, un exportateur, un chevillard, un abattoir…, le prix de vente et la mention du terme export » le cas échéant. Les années 1977, 1985 et 1993 ont subi un long traitement informatique, sous tableur et base de données 15. 7Les éléments identifiant l’animal commercialisé sont regroupés dans un premier bloc. La rubrique catégorie de bête » indique sur quel type de bovin porte la transaction veau, vache, taureau, broutard 16, taurillon 17, génisse 18, châtron 19, mulotte, mulot ou culard 20. Un comptage par type de bête peut ainsi être effectué rapidement. Une seconde série de données regroupe les informations dont nous disposons pour identifier le vendeur. Il est ainsi possible de savoir, par exemple, combien de bêtes ont été achetées au cours de l’année à tel individu. Les rubriques département du fournisseur » et commune du fournisseur » ont servi à localiser l’aire géographique dans laquelle le commerçant réalise ses achats. Une interrogation par département puis par commune a été effectuée. Un troisième bloc concerne le client qui rachète la bête. Comme pour les fournisseurs, le nombre de bêtes revendues à chaque client peut être connu. Les rubriques département du client » et commune du client » ont été utilisées pour déterminer l’espace dans lequel sont réalisées les ventes. La case export » permet de comptabiliser le nombre de bêtes qui partent à l’étranger. L’activité » constitue le dernier groupe de renseignements. La rubrique marge » est le résultat de l’opération prix de vente moins prix d’achat 21. D’autres calculs ont été effectués, notamment par catégories de bétail. La case temps achat/vente » indique le nombre de jours durant lesquels le bovin est resté chez le commerçant. Elle résulte de la différence entre le jour où le bovin quitte le centre d’allotement du commerçant et le jour où il y est arrivé. Le temps moyen de stockage des bovins peut ainsi être calculé en fonction des différentes catégories, etc. 8Le tableau et la base de données se complètent pour répondre à notre questionnement concernant l’activité économique du commerçant en bestiaux. Comment fonctionne le négoce au quotidien ? Où, quand et à qui sont achetés les animaux ? Combien de bêtes sont, en moyenne, achetées à chaque fournisseur ? L’aire d’achat a-t-elle connu une évolution entre 1977 et 1993 ? Où, quand et à qui sont revendus les bovins ? L’aire de vente a-t-elle changé ? Sur quels types de bovins portent les transactions ? Quelles sont les catégories qui ont connu une croissance et au contraire celles qui ont décliné ? Combien de temps les animaux restent-ils chez le négociant ? Y a-t-il des écarts entre les différentes catégories de bêtes ? Comment se répartit l’activité sur l’année, c’est-à-dire existe-t-il des périodes de forte activité et d’autres où le commerce serait plus calme ? Les périodes d’intenses mouvements d’animaux sont-elles restées les mêmes ? Les marges ont-elles varié sur la période étudiée ? Sur quel type de bêtes est-il plus facile de gagner » et au contraire sur quelle catégorie les marges sont-elles difficiles à prendre ? Nombreuses questions auxquelles il a été possible d’apporter des éléments de réponse pertinents grâce aux résultats obtenus par le traitement de cette comptabilité commerciale et à la collaboration du négociant qui nous a aidé à les interpréter. Une activité en très forte expansion Une croissance continue 9Entre 1977 et 1993, l’activité commerciale a été multipliée par dix environ, soit une hausse approximative de 875 %. De 1 489 bêtes commercialisées en 1977, le négociant est passé à 14 487 en 1993. Si l’on s’en tient aux trois années de référence, la progression semble avoir été constante, puisque le nombre de têtes a été multiplié par trois entre 1977 et 1985 de même qu’entre 1985 et 1993. Pourtant, si l’on regarde le graphique suivant 22, on se rend compte que l’évolution a été assez irrégulière, surtout entre 1985 et 1993, avec des variations parfois négatives. Graphique 1 Évolution de l’activité commerciale de 1977 à 1995 10Une étude réalisée sur la commercialisation des bovins en Saône-et-Loire, révèle que l’activité moyenne des négociants en 1980 serait de 200 animaux achetés par an 23. 83 % des commerçants achèteraient moins de 200 animaux chaque année. Bernard Lorton en a commercialisé 3 423 en 1980. On peut ainsi dire, sans exagération, qu’il fait partie des gros » commerçants. 11La hausse importante de l’activité, sur la période, s’est accompagnée de changements importants quant à la structure du commerce. Une modification des types de bêtes s’est opérée ainsi qu’une nouvelle répartition de l’activité tout au long de l’année. D’une spécialisation à l’autre 12En 1977, l’activité est orientée vers les veaux qui représentent la principale catégorie, 67 % des bêtes achetées, soit 997 têtes. Les broutards, dont la production se développe, occupent la seconde position 14 %, 211 têtes, les vaches la troisième 8 %, 117 têtes. Viennent ensuite les taureaux 5 %, 76 têtes, les génisses 4 %, 65 têtes, les mulotes 0,6 %, 9 têtes, les mulots 0,5 %, 8 têtes et les châtrons 0,4 %, 6 têtes. 13En 1985, le commerce des petits veaux demeure la principale activité. Ils constituent toujours la principale catégorie, leur nombre a été multiplié par deux environ, mais leur part a diminué de presque 25 points, 44 %, 2 130 têtes. Les broutards, dont la production est en pleine expansion, conservent la seconde position. Leur nombre a été multiplié par six environ 29 %, 1 390 têtes. Les vaches sont toujours en troisième place, leur part et leur nombre ont doublé 15 %, 711 têtes. Viennent ensuite les génisses dont la part a doublé 10 %, 485 têtes, les taureaux 2 %, 90 têtes, les taurillons qui apparaissent 1 %, 51 têtes, mais qui ne représentent qu’une infime part des transactions, les bœufs 0,2 %, 10 têtes, les châtrons 0,1 %, 5 têtes et la mulote. 14En 1993, une réorientation des types de bêtes s’opère et bouleverse la répartition par catégories. Les taurillons dominent les achats 32 %, 4 619 têtes, suivis de très près par les broutards 31 %, 4 426 têtes. Viennent ensuite les génisses, 15 %, 2 106 têtes, toujours en progression. Le nombre de vaches a été multiplié par deux environ, mais leur part a baissé de 15 % à 10 % du total 1 497 têtes. Les veaux, qui jusqu’alors représentaient l’essentiel des transactions, sont dorénavant une catégorie minoritaire, ils ont connu un très net recul, leur nombre ayant été divisé par 1,5. Ils ne représentent plus que 10 % des échanges, soit 1 450 têtes. Puis viennent les taureaux 3 %, 376 têtes, les bœufs 0,1 %, 9 têtes, les mulotes 2 têtes, le mulot et le culard. Tableau 1 Répartition des achats de bovins, par catégorie, 1977, 1985 et 1993 Catégories 1977 1985 1993 Nbre % Nbre % Nbre % bœufs 0 0 10 0,2 9 0,1 broutards 211 14 1390 29 4426 31 châtrons 6 0,4 5 0,1 0 0 culards 0 0 0 0 1 0,01 génisses 65 4 485 10 2106 15 mulots 8 0,5 0 0 1 0,01 mulotes 9 0,6 1 0,02 2 0,01 taureaux 76 5 90 1,8 376 3 taurillons 0 0 51 1 4619 32 vaches 117 8 711 15 1497 10 veaux 997 67 2130 44 1450 10 total 1489 100 4873 100 14487 100 15Cette réorientation des types de bétail s’accompagne d’une nouvelle répartition de l’activité tout au long de l’année. Vers un étalement de l’activité les prémices d’une désaisonnalité Graphique 2 Entrées et sorties de bovins, 1977 16En 1977, les entrées mensuelles varient entre un minimum de 79 au mois de décembre et un maximum de 162 en mars, soit un écart de 105 %. L’activité est assez importante entre janvier et mai, les entrées de bovins oscillant entre 100 et 150 par mois, elle connaît un fléchissement en juin et juillet, puis elle reprend à partir d’août, jusqu’en octobre, et décline en novembre et décembre. Deux saisons de forts mouvements se dégagent l’une printanière, l’autre automnale. Graphique 3 Entrées et sorties de bovins, 1985 17En 1985, les entrées mensuelles oscillent entre un minimum de 247 en août et un maximum de 808 en octobre, soit une variation de 227 %. L’activité croît entre janvier et avril, elle décline ensuite jusqu’en août, puis augmente fortement en septembre et octobre, avant de baisser à nouveau en novembre et décembre. Deux saisons émergent, au printemps et en automne, mais celle du printemps semble moins marquée qu’en 1977. 18Au début des années 1980, la production bovine reste assez traditionnelle très peu de taurillons, pourcentage élevé de veaux, vaches et génisses grasses. Le système est peu intensifié. À l’échelle départementale, les ventes sont très saisonnalisées, 54 % des ventes d’animaux maigres sont réalisées durant les quatre derniers mois de l’année, 45 % pour les animaux gras et 41 % pour les vaches 24. L’essentiel des transactions se font à la fin de la période d’herbage, avant le retour à l’étable. Les périodes de ventes de vaches sont en revanche assez étalées 25. Graphique 4 Entrées et sorties de bovins, 1993 19En 1993, les entrées mensuelles diffèrent entre un minimum de 870 en février et un maximum de 1 619 en septembre, soit une variation de 86 %. L’activité baisse en février, elle augmente fortement en mars, puis oscille entre 1 000 et 1 200 têtes mensuelles entre avril et août. Septembre voit une hausse importante des transactions, qui stagnent ensuite autour de 1 200 bovins d’octobre à décembre. Deux mois se distinguent février où les échanges sont faibles et septembre où ils sont très importants. Le restant de l’année l’activité paraît plutôt stable, elle tend à s’aplanir et se désaisonnaliser. Ce phénomène s’explique par les types de bêtes commercialisés. Les broutards, qui représentent l’essentiel des échanges en fin d’année jusqu’en février, sont relayés par les taurillons de mars à juillet. Du veau au taurillon Les veaux 20Les veaux représentent la principale catégorie en 1977 et en 1985. Il s’agit de trois semaines » croisés ou de couleur, destinés à l’exportations vers les ateliers d’engraissement industriels. Ils sont achetés principalement dans les petites exploitations laitières de la montagne » tout au long de l’année. À cette époque, les vaches vêlent tout au long de l’année, il n’existe pas de périodes de vêlage bien déterminée 26. Graphique 5 Entrées et sorties de veaux, 1977 21En 1977, les échanges sont importants entre janvier et mai, surtout en mars, ils ralentissent en juin et juillet, puis reprennent en août et déclinent à la fin de l’année. En septembre et octobre, il s’agit de demi-broutards », c’est-à-dire de veaux de deux à quatre mois sous les mères 27. Graphique 6 Entrées et sorties de veaux, 1985 22En 1985, les veaux croisés et de couleurs composent encore l’essentiel de l’effectif. La courbe suit la même trajectoire que la précédente. Les vêlages s’effectuent, chez les laitiers, en janvier, février, de mai à juillet et en septembre, octobre 28. L’été est une époque où les sorties de fermes sont moins importantes. Graphique 7 Entrées et sorties de veaux, 1993 23En 1993, l’effectif des veaux comprend encore beaucoup de laitiers. La courbe a un profil différent des précédentes. L’activité semble plus régulière entre janvier et mai, elle ralentit en été, puis connaît une forte croissance à partir de septembre. Le maximum du mois d’octobre est dû aux entrées de veaux de race charolaise. Il s’agit de vaches retardataires qui ont vêlé en juillet et août. Les veaux sont alors vendus avec leurs mères, sous forme de paquets » 29. À cette date, le commerçant achète beaucoup de veaux charolais de deux mois, deux mois et demi, ce qu’il ne fait plus aujourd’hui. Les broutards Graphique 8 Entrées et sorties de broutards, 1977 Graphique 9 Entrées et sorties de broutards, 1985 24En 1977 et 1985 les courbes des entrées et des sorties de broutards suivent la même évolution. Cette production est à l’époque saisonnière. L’activité est nulle ou quasi-nulle entre janvier et août. Les échanges débutent en septembre, ils culminent en octobre, déclinent en novembre et décembre. 25La production de broutards, animaux sevrés vendus après la saison d’herbe à l’automne, a débuté, en Charolais-Brionnais, dans les années 1960. Elle s’accroît en réponse à la demande italienne pour ce type d’animaux jeunes. Elle correspond au développement des ateliers de production de taurillons en Italie et en France, dans le second cas, principalement dans le cadre des groupements de producteurs. Les animaux sont placés chez les adhérents de ces structures, en Bretagne, en Vendée, dans le Nord ou en Champagne essentiellement. Peu à peu les éleveurs, encouragés par des aides PAC, en particulier par la prime à la vache allaitante », s’orientent vers ce produit, dont le cycle est court. L’intérêt de produire des animaux plus jeunes réside dans la possibilité de faire tourner l’argent plus vite 30. Le départ de cette production de maigre se fait dans un contexte où l’accroissement de la finition des bovins rencontre de plus en plus d’obstacles insuffisance des ressources fourragères en quantité et en qualité, manque de main d’œuvre, inadaptation des bâtiments d’élevage, prix du gras insuffisant par rapport au prix du maigre 31. De plus, la formidable augmentation de la demande italienne en broutards, qui a plus que triplé de 1970 à 1981, encourage les éleveurs bovins de Saône-et-Loire à se lancer dans cette production. Ainsi d’une région produisant essentiellement des animaux gras, la zone d’élevage est devenue un pays de naissage, laissant la production de jeunes bovins à d’autres contrées et à d’autres éleveurs dont elle est un fournisseur important de matière première 32. Le marché italien a offert, et offre, un excellent débouché aux animaux maigres de Saône-et-Loire en absorbant, au milieu des années 1980, quelque 500 000 têtes de broutards annuellement, alors qu’il en a acheté 150 000 en 1970 et 375 000 en 1975 33. La demande des engraisseurs de taurillons à l’intérieur de l’hexagone est également importante, de l’ordre de 150 000 têtes 34. Le vaste mouvement de création et de restructuration de l’industrie agroalimentaire, notamment dans l’ouest, la diffusion de techniques de production intensives dans les régions laitières 35 participent à l’accroissement de la demande de broutards. 26À ces faits de portée nationale, baisse des débouchés en bœufs et génisses, augmentation de la demande en jeunes bovins, il faut peut-être également rattacher une certaine extensification de la production. Le nombre de vaches a augmenté de 8 % de 1970 à 1979 en Saône-et-Loire, celui des bovins de 13 %. En fait, tout se passe comme si, se trouvant face à une certaine réduction de la demande pour leurs productions traditionnelles » – le bœuf et la génisse de bon format –, les éleveurs, au lieu de se tourner vers une production de gras rajeunie – le taurillon ou le taureau de 24 à 26 mois – s’étaient tournés vers le marché italien, très porteur depuis 1974 36. À tel point d’ailleurs que la structure des ventes d’animaux maigres a nettement évolué dans la décennie 1970, le nombre de broutards augmentant beaucoup plus que le nombre de gros bovins de plus de deux ans, qui sont surtout des animaux maigres destinés à la production de bœufs et génisses grasses 37. Graphique 10 Entrées et sorties de broutards, 1993 27Le graphique de l’année 1993 diffère de ceux des années précédemment étudiées. L’activité est importante en janvier, elle décline en février et mars, puis s’arrête entre avril et juillet. La saison des broutards débute plus tôt qu’auparavant, dès août. Au niveau des fermes, les éleveurs tendent à désaisonnaliser les vêlages, qui se font de plus en plus tôt, ce qui entraîne cet avancement des sorties. L’activité explose en septembre, ralentit mais se poursuit en octobre, reprend en novembre et décembre pour se continuer au début de l’année suivante. Les échanges réalisés de janvier à mars 1993 correspondent en fait à la fin de la campagne de ventes des broutards de 1992. On assiste ainsi à un étalement des transactions. Ce phénomène correspond au développement de l’alourdissement de ces animaux. Certains éleveurs ne vendent plus leurs broutards en fin d’année. Ils les sèvrent et les alourdissent à l’étable durant l’hiver. Certaines mesures de la Politique agricole commune PAC favorisent la production de broutards repoussés 38, notamment la mise en place de la PSBM, prime spéciale aux bovins mâles 39. Dans le Brionnais, nombreux sont aussi les exploitants qui achètent des broutards en fin d’année afin de les alourdir et de bénéficier, au passage, de cette aide financière. 28Les broutards classiques sont vendus en maigre, en général à moins de dix mois. Les broutards repoussés ont subi, soit chez un éleveur, soit chez un engraisseur, au pré ou en stabulation, un engraissement de 90 à 100 jours, avec une alimentation riche et maîtrisée. L’objectif est d’atteindre 100 à 120 kilogrammes de gain sur 90 à 100 jours sans engraisser l’animal. Le broutard est alors vendu au cours du premier trimestre et au début du deuxième pour être fini comme taurillon 40. 29Entre 1990 et 1994, les marchés aux animaux maigres à l’exportation, principalement vers l’Italie et l’Espagne, se sont fortement développés 41. Les broutards, exportés principalement vers l’Italie et les laitonnes vers l’Espagne, représentent environ 60 % de la production charolaise. Cette orientation rend les exploitations très dépendantes des marchés 42. Pour répondre à des besoins d’approvisionnement plus réguliers, répartis dans l’année, on observe une commercialisation de plus en plus étalée des animaux maigres ainsi qu’un élargissement de la gamme des poids et des âges 43. 30Dès le début de la décennie 1990, l’engraissement est en régression, à cause, entre autres, du système des aides de la PAC. Les éleveurs pratiquant la finition des bovins sont obligés d’augmenter leur chargement 44, ce qui leur interdit certaines aides de la PAC, accordées aux systèmes extensifs. Un engraissement moindre les pousse à accroître la taille de leur troupeau, ce qui les éloigne du marché de la viande 45. Les taurillons Graphique 11 Entrées et sorties de taurillons, 1985 31En 1985, Bernard Lorton a commercialisé seulement 51 taurillons, principalement en novembre. Il s’agit de taureaux de 18 mois qui connaissent à cette époque de l’année une très forte demande en provenance d’Italie. Le négociant raconte avoir vu le champ de foire de Saint-Christophe-en-Brionnais plein de ce type de bovin au mois de décembre 46. Les cours sont élevés, les clients nombreux. Ces animaux sont vendus entre 500 et 550 kilogrammes. Graphique 12 Entrées et sorties de taurillons, 1993 32En 1993, ces taureaux de fin d’année » n’existent plus. Les sorties de taurillons des fermes s’étalent entre février et août, et prolongent ainsi celles des broutards. La région charolaise est venue tardivement à cette production de semi-gras ». Elle a débuté au début des années 1990. 33Ainsi, les méthodes de production et leurs produits doivent s’adapter aux nouveaux besoins du marché. Les débouchés exigent une régularité quant à l’approvisionnement, et un prix modéré. Dans les années 1970-1980, on assiste au développement des jeunes bovins, aux coûts de production plus faibles que les bœufs traditionnels. L’homogénéité des carcasses est indispensable à la découpe industrielle qui s’impose. Les lots d’animaux vendus par les négociants doivent être homogènes. L’évolution tend vers une standardisation des bovins. D’un commerce local à un commerce régional 34Pour répondre à la demande, le négociant doit adapter son bassin d’approvisionnement afin de trouver les animaux pouvant satisfaire ses clients. Les principaux départements fournisseurs Cartes 1-3 Entrées de bovins départements fournisseurs, toutes catégories confondues 1977 11 départements identifiés 1985 18 départements identifiés 1993 11 départements identifiés 35Selon une étude réalisée sur la commercialisation des bovins en Saône-et-Loire, les négociants en bestiaux s’approvisionnent dans leur région, pour 47 % de leurs achats et quasi-exclusivement dans leurs zones d’élevage à 86 % 47. Ce constat est pratiquement indépendant de la taille des commerçants. Les grands négociants » achètent 18 % des animaux en dehors de leur zone d’élevage, pour les très petits environ 35 animaux, le pourcentage est de 16 %. Il semblerait même que plus le marchand est petit, plus il s’approvisionne loin. Ces résultats se rapprochent de ceux que nous avons pu observer dans le cadre de notre travail. Le type de relation commerciale nouée est fondé sur la connaissance interprofessionnelle, encourageant la vente dans la région 48. 36En 1977, onze départements fournisseurs apparaissent, mais les achats s’effectuent principalement en Saône-et-Loire, environ 70 %, et dans une zone à proximité immédiate, Rhône, 21 %, Loire, 7 % et Nièvre. En 1985, 18 départements fournisseurs sont comptabilisés. Cependant l’essentiel des achats est effectué en Saône-et-Loire, environ 73 %, et dans les départements voisins, Rhône, 26 %, Nièvre, Loire et Allier. En 1993, onze départements fournisseurs sont recensés. On note un resserrement de l’aire d’achat qui se concentre dorénavant sur les départements du centre de la France, sur le grand bassin allaitant du Massif central. Durant la période étudiée, le principal département fournisseur demeure la Saône-et-Loire, qui conforte même sa position puisqu’il passe d’à peine 70 % en 1977 à plus de 80 % en 1993. Le nombre d’animaux fournis a quant à lui été multiplié par douze, passant de 1 026 à 11 975. Les départements excentrés ne sont pas visités par le négociant. Les bovins provenant de ces lieux transitent par les marchés qu’il fréquente. La montagne » un centre devenu périphérie Cartes 4-6 Département du Rhône - Entrées de bovins communes fournisseuses, toutes catégories confondues 1977 28 communes identifiées 1985 39 communes identifiées 1993 26 communes identifiées 37Le Rhône, qualifié avec les quelques communes voisines de Saône-et-Loire de montagne », constitue un département fournisseur important. En 1977, 21 % des animaux y sont achetés, soit 318 bovins. C’est le second département fournisseur. 28 communes fournissent du bétail. Elles se répartissent en deux zones. L’une à l’extrême nord du département qui correspond au canton de Monsols et à une partie de ceux de Beaujeu et Lamure-sur-Azergues, où le commerçant fait des tournées très régulières en fermes ; l’autre au sud-ouest dans le canton de Saint-Laurent-de-Chamousset, où chaque lundi matin Bernard Lorton achète des veaux sur le marché. En 1985, 26 % des animaux sont achetés dans le Rhône, qui reste le deuxième département fournisseur avec 1 241 bovins, soit une multiplication du nombre par quatre. 39 communes ont été répertoriées. Les deux zones précédemment décrites apparaissent. La zone nord connaît une nette extension en direction du sud, tout le canton de Monsols est concerné, une grande partie de ceux de Lamure-sur-Azergues, Beaujeu et Belleville. Des tournées importantes y sont effectuées par le commerçant et son acheteur chaque semaine. La zone au sud-ouest s’est en revanche très nettement rétractée, deux communes y subsistent. Ce phénomène s’explique par le fait que le négociant ne fréquente quasiment plus le marché aux veaux de Saint-Laurent-de-Chamousset. En 1993, seulement 4 % des animaux sont achetés dans le Rhône, troisième département fournisseur, soit 573 bovins. 26 communes sont recensées. On observe une très nette réduction de la zone nord qui ne concerne plus que quelques communes des cantons de Monsols, Beaujeu et Lamure-sur-Azergues et un petit noyau au sud-ouest, principalement dans le canton de Thizy qui ne regroupe qu’un nombre limité de communes. Ce resserrement s’explique par le départ de l’acheteur qui tournait » régulièrement dans ce secteur. Au milieu des années 1990, il part de chez Bernard Lorton pour s’installer à son compte. Son ancien patron lui laisse une grande partie de la clientèle du Rhône. À partir de ce moment, ce dernier ne va plus que jusqu’au col de Crie. Trois communes de la zone sud se maintiennent. Lentilly apparaît, où siège un important débouché de Bernard Lorton à qui il arrive parfois d’acheter des bovins. La zone charolaise une périphérie devenue centre Cartes 7-9 Département de Saône-et-Loire - Entrées de bovins communes fournisseuses, toutes catégories confondues 1977 59 communes identifiées 1985 78 communes identifiées 1993 236 communes identifiées 38En 1977, 70 % des animaux sont achetés en Saône-et-Loire, où est installé le commerçant, soit 1 026 bovins 59 communes fournissent du bétail. Elles sont situées autour du lieu d’implantation du commerce, à l’extrême sud-ouest du département, à la frontière avec le Rhône. Quelques communes éparses apparaissent en dehors de cette zone, à l’ouest du département. Des tournées sont effectuées par le commerçant. Il achète aussi des animaux sur le marché de Saint-Christophe-en-Brionnais, en provenance de Saône-et-Loire. En 1985, 73 % des bêtes sont achetées dans ce département. 78 communes sont recensées. La même zone se dessine, avec une extension vers l’ouest et des communes isolées plus nombreuses et dispersées aux quatre coins du département. En 1993, 83 % des bovins proviennent de ce département. 236 communes fournissent du bétail, leur nombre a été multiplié par quatre entre 1977 et 1993. On observe une formidable extension de la zone d’achat sur la quasi-totalité de la moitié ouest du département le Brionnais, le Charolais, la Sologne bourbonnaise, le Toulonnais, une grande partie de l’Autunois, le sud du Morvan, une partie du Clunysois et de la Côte chalonnaise. Quelques communes éparses apparaissent même en Mâconnais et en Bresse. Il s’agit pour ces dernières d’achats réalisés sur les foires et marchés. 39L’aire d’achat s’est considérablement agrandie lorsque le commerçant a attaqué l’exportation de jeunes bovins, à la fin des années 1980. Il lui fallait accroître son potentiel en élargissant son bassin d’approvisionnement. Il s’est implanté dans les régions citées en ayant parfois recours à des rabatteurs. Le rabatteur, qui connaît bien le terrain et les éleveurs de la région où il accompagne le commerçant, permet à celui-ci une entrée dans les fermes où il n’est pas connu. Par exemple, un ancien marchand l’a accompagné sur le secteur de Buxy, Joncy, en direction du Châlonnais. Deux jours par semaine, il accompagnait Bernard Lorton ou son acheteur dans les élevages de cette région, moyennant une rétribution à la commission par tête de bétail achetée. Un ancien des forges de Gueugnon, habitant Paray-le-Monial, lui a permis de s’implanter sur Chalmoux et Grury. C’est également un ancien marchand qui l’a introduit dans le secteur d’Issy-l’Évêque. Néanmoins l’action de ces rabatteurs a été limitée à des petits secteurs bien ciblés. Lorsqu’il commençait à être connu sur le terrain et qu’il avait gagné la confiance des éleveurs, le négociant a étendu son aire d’achat seul et progressivement à partir de ces points de départ. Les tournées sont ensuite réalisées soit par le commerçant, soit par ses acheteurs, au nombre de deux en 1993. À ce moment-là, chacun tend néanmoins à travailler son propre secteur Bernard Lorton à l’ouest, l’un de ses acheteurs à l’est et l’autre autre en direction de la montagne ». Cartes 10-12 Département de la Nièvre - Entrées de bovins communes fournisseuses, toutes catégories confondues 1977 6 communes identifiées 1985 1 commune identifiée 1993 39 communes identifiées 40La Nièvre illustre parfaitement l’extension charolaise. En 1977, moins de 1 % des animaux sont achetés dans ce département, quatrième fournisseur, ex æquo avec l’Allier. Six communes ont été recensées. Le négociant n’effectue pas de tournées d’achats dans ce département mais les bovins sont acquis sur les foires et marchés, principalement à Saint-Christophe-en-Brionnais Saône-et-Loire et à Moulin-Avermes Allier, ce qui explique la répartition très éclatée des communes fournisseuses de bétail. En 1985, un seul bovin provient de la Nièvre, sixième département fournisseur. En 1993, plus de 6 % des animaux y sont achetés, 901 bovins. Il s’agit du second département fournisseur. 39 communes ont été dénombrées. Un bassin d’achat se dessine nettement au centre du département, de même qu’à l’extrémité sud-est en limite avec la Saône-et-Loire. Des tournées sont opérées en Nivernais par le commerçant ou ses deux acheteurs, deux jours par semaine. Un rabatteur a introduit le négociant dans ce département. Il s’agit d’un éleveur de Charbonnat Saône-et-Loire, qui souhaitait faire du commerce mais qui n’en a pas eu la possibilité. Deux jours par semaine il accompagnait Bernard Lorton ou l’un de ses acheteurs dans les fermes. Le rabatteur connaissait bien le terrain pour y avoir accompagné d’autres commerçants auparavant. De plus, Bernard Lorton fréquente assidûment le marché au cadran de Moulins-Engilbert 49. Cartes 13-15 Département de l’Allier - Entrées de bovins communes fournisseuses 1993, toutes catégories confondues 1977 7 communes identifiées 1985 10 communes identifiées 1993 19 communes identifiées 41L’Allier, dans une moindre mesure, est aussi concernée par l’extension charolaise. En 1977, comme en 1985, moins de 1 % des animaux proviennent de cette contrée, respectivement 10 et 23 bovins. C’est le quatrième département fournisseur. Sept et dix communes ont été identifiées. Le négociant n’effectue pas de tournées d’achats dans l’Allier. Les bovins sont acquis sur les foires et marchés, principalement à Saint-Christophe-en-Brionnais et à Moulin-Avermes. En 1993, 4 % des animaux, soit 515 bovins, sont achetés dans ce quatrième département fournisseur. 19 communes sont recensées. Les achats sont principalement réalisés sur les marchés à des éleveurs de l’Allier, pour environ 80 % ce qui, une fois encore, explique la présence de communes éparpillées sur le territoire. Des tournées sont effectuées par les deux acheteurs le long de la frontière avec la Saône-et-Loire. Bernard Lorton n’y a jamais fait les fermes car il n’aime pas ce secteur » 50. 42Les premiers résultats de notre enquête mettent ainsi en lumière la création d’une aire d’achat, dans les décennies 1980-1990, pour répondre à la demande. Le commerçant a su s’adapter, en développant son activité et en étendant sa zone d’action afin de se placer sur des marchés porteurs », tels que celui du broutard puis plus tard celui du taurillon. Le Charolais fourni les jeunes bovins que le négociant ne trouvait pas dans son bassin d’approvisionnement initial. Il lui fallait trouver la marchandise nécessaire, puis la valoriser. La valorisation des animaux Un passage d’animaux rapide et rémunérateur 43La durée du séjour de la marchandise chez les négociants est courte. C’est l’une des principales caractéristiques qui les distinguent des emboucheurs 51. Le tableau suivant présente le temps moyen au cours duquel les animaux restent chez le commerçant, par catégories. Tableau 2 Temps de présence des bovins chez Bernard Lorton, 1977, 1985 et 1993 en jours Catégories 1977 1985 1993 bœufs - 36 - broutards 5 5 2 châtrons 23 8 - culards - - 15 génisses 13 15 10 mulots 62 - 92 mulotes 147 49 - taureaux 8 5 30 taurillons - 12 2 vaches 24 27 37 veaux 3 3 6 total 6 8 4 44Les animaux demeurent en moyenne six jours chez le négociant en 1977, huit en 1985 et seulement quatre en 1993. Ce temps varie selon les catégories. Les catégories importantes en nombre, veaux, broutards, taurillons restent très peu de temps. Bernard Lorton achète ces bêtes en étant assuré d’avoir un débouché immédiat. C’est un travail suivi, qui se fait en confiance avec des débouchés réguliers qui reviennent chaque semaine. Les bovins sont ramassés, dans les exploitations, par les chauffeurs au dernier moment pour être conduits chez les exportateurs ou les engraisseurs. Sur la période, le temps de présence est en baisse importante pour les broutards et les taurillons. Les animaux doivent rester très peu de temps dans le centre d’allotement du commerçant de façon à perdre le moins de poids possible. Ce critère est déterminant lorsque la vente des animaux se fait au poids, ce qui devient de plus en plus la règle, durant la période étudiée. Il s’agit également de réduire au minimum les frais qui peuvent résulter de l’hébergement des animaux nourriture, eau, paille, nécessité d’avoir de la main d’œuvre pour les soigner… Pour les autres catégories, moins importantes en nombre, la période passée chez le négociant est plus longue. Les vaches bénéficient d’un temps de présence d’environ un mois. Elles sont mises au pré pour être retapées » avant leur départ. Les catégories rares, mulots, mulotes, restent un certain temps dans les herbages du marchand où il les fait grossir avant de les revendre. Valoriser les animaux 45La principale fonction du négociant est l’échange. Il est un intermédiaire dépendant des éleveurs et des acheteurs, mais il peut aussi être un intermédiaire obligé, donc maître du marché. Son revenu dépend du prix d’achat, du prix de vente et du nombre d’animaux échangés. C’est un connaisseur de bêtes, capable de juger la qualité des animaux. Cette aptitude à apprécier les caractéristiques physiques de l’animal et sa valeur est primordiale. Il doit l’évaluer et lui donner la destination la plus appropriée 52. L’estimation de l’animal est présentée comme un don. L’enfant d’une famille de négociants dispose d’un avantage certain sur celui d’une famille d’éleveur 53. Il est au courant des prix et des tendances, il possède une capacité d’anticipation 54. Il doit trouver pour chaque animal la place sur laquelle il sera le mieux valorisé 55. La connaissance du marché, avec les relations qu’elle implique, limite sérieusement les possibilités de promotion interne. Beaucoup d’agriculteurs, forts de leur aptitude à estimer les bêtes, ont échoué parce qu’ils n’ont pas su trouver les meilleurs débouchés 56. Bernard Lorton semble ici illustrer le contraire. Sa capacité, comme celle des négociants de la région à trouver des écoulements rémunérateurs au-delà des limites locales a contribué puissamment à l’extension du système d’élevage traditionnel 57. Ils ont été des acteurs essentiels du développement agricole local par leur rôle de rassembleurs de bétail, indispensables à l’approvisionnement des structures d’engraissement ou d’abattage, françaises ou étrangères. En collectant dans les fermes des animaux dispersés, en les regroupant en lots homogènes, ils se sont peu à peu imposés comme des interlocuteurs essentiels face à des clients de plus en plus importants et exigeants. 46Le tableau suivant présente les marges brutes par catégorie. La marge moyenne, toutes catégories confondues, a augmenté de 64 % entre 1977 et 1985, puis elle a diminué de 24 % jusqu’en 1993. Les marges de 1977 et 1985 sont confortables pour l’époque 58. Le commerce du bétail est à ce moment une activité rémunératrice. Des volumes restreints permettent encore aux négociants de bien gagner leur vie. Mais déjà les premiers signes d’une mutation de fond se font sentir. Certains, tel Bernard Lorton, anticipent les évolutions futures en accroissant les volumes traités. Les restructurations et la concentration au sein des entreprises d’engraissement et d’abattage laissent entrevoir une sélection de leurs interlocuteurs qui devront, à l’avenir, être capables de les approvisionner en quantités suffisantes et régulières et en qualité homogène. La nécessité de s’adapter pour résister est indispensable. La marge de 1993 aurait été moins confortable si le nombre de bovins échangés n’avait pas été si important. Elle correspond à la nouvelle logique économique qui s’est imposée peu à peu dans le négoce des bovins depuis le début des années 1990. Le nombre de bêtes doit être important, ce qui avec une marge moindre mais constante, permet de couvrir les frais de fonctionnement du commerce et de dégager un bénéfice. C’est la fin du maquignonnage » 59. Le nouveau » commerçant ne recherche plus les bons coups », c’est-à-dire l’occasion de réaliser un gain énorme sur une bête par-ci par-là. Il dispose d’une marge, généralement comprise entre 200 et 300 francs par tête, qu’il doit réaliser pour faire face à ses dépenses. L’exemple des taurillons illustre parfaitement ce phénomène. En 1985, une cinquantaine ont été commercialisés avec une marge moyenne importante de 510 francs. En 1993, c’est la quantité qui prévaut. 4 619 taurillons passent chez le commerçant, mais le gain moyen n’est que de 106 francs. Tableau 3 Marges par catégorie de bétail en 1977, 1985 et 1993 en francs Catégories 1977 1985 1993 bœufs - 982 419 broutards 200 256 185 châtrons 158 1151 - culards - - -800 génisses 358 526 499 mulots 310 - 400 mulotes 1580 1500 -250 taureaux 283 521 486 taurillons - 510 106 vaches 258 776 458 veaux 176 175 313 total 204 334 254 47Les opérations commerciales ne se soldent pas toujours d’une manière positive. Les pertes d’argent, entre l’achat et la vente, ne sont pas rares, elles sont même en forte augmentation sur la période. Elles représentent environ 8 % des transactions en 1977, 26 % en 1985 et 28 % en 1993, soit près du tiers ! Les bonnes bêtes », bœufs, châtrons, mulots ou mulotes, dégagent souvent des bénéfices importants. Cependant, ces animaux sont peu nombreux au sein de l’effectif total. De plus il faut prendre en compte, pour ceux-ci, le temps de stockage et les charges qu’il entraîne. Les catégories dominantes, veaux, broutards et taurillons procurent les marges les plus faibles, c’est le nombre qui fait la rentabilité. Les veaux, en devenant une catégorie minoritaire, voient leur marge augmenter. Cela s’explique sans doute par le fait que les sujets de race charolaise, dont la valeur est supérieure aux laitiers, augmentent au niveau de l’effectif. Les taureaux 60 dégagent des profits non négligeables tout comme les vaches, même si pour ces dernières la marge moyenne après avoir été multipliée par trois entre 1977 et 1985, est en recul en 1993. Enfin, les génisses, dont le nombre ne cesse de croître, passant de 65 en 1977 à 2 106 en 1993, procurent un revenu notable, en très forte hausse entre 1977 et 1985 il a été multiplié par deux, qui se maintient à un niveau élevé en 1993. Le commerçant dispose vraisemblablement de débouchés qui lui permettent de bien valoriser ces animaux. Finalement, il n’est pas aisé de tirer des conclusions pertinentes quant aux marges réalisées relativement aux différentes catégories de bétail. En effet, les gains sont très aléatoires et dépendent, comme toute activité commerciale, de paramètres que nous ne mesurons pas, tels que la fluctuation des cours, l’importance de la demande, l’apparition ou la disparition de marchés… Les débouchés 48Cartes 16-18 Sorties de bovins départements clients, toutes catégories confondues 1977 38 départements identifiés 1985 32 départements identifiés 1993 37 départements identifiés 49153 clients sont recensés en 1977, 204 en 1985 et 219 en 1993. En 1977, la Loire arrive en tête des départements. Le principal client de Bernard Lorton, basé à Sury-le-Comtal, est un exportateur spécialisé dans les petits veaux qu’il envoie en Italie. Il reçoit 40 % du total des animaux. La Saône-et-Loire vient ensuite, avec 22 % des ventes et 326 animaux, répartis entre une cinquantaine d’acheteurs, dont le plus important, un engraisseur d’Oyé, au cœur du Brionnais, acquiert 98 bovins quatrième client. Le cinquième est un négociant de Saint-Laurent-en-Brionnais qui rachète 52 bêtes. L’Ain est le troisième département client avec 18 % des bêtes, soient 271 animaux. Le second débouché du commerçant se trouve à Vésines, le troisième à Replonges, ils achètent respectivement 147 et 104 animaux, soit environ 10 % et 7 %. Tous deux sont également des exportateurs de veaux. 35 autres départements clients apparaissent, ils reçoivent très peu de bétail. 50En 1985, la Loire reste le principal débouché, 44 % des animaux sont expédiés dans ce département, soit 2 119 têtes, dont 1 930 40 % à l’exportateur de Sury-le-Comtal, qui demeure le plus gros client. Viennent ensuite l’Ain, 22 %, 1 081 animaux. Le second débouché, exportateur de petits veaux déjà présent en 1977, achète 953 bovins, soit près de 20 %. La Saône-et-Loire accueille 10 % de l’effectif, soit 508 animaux. Les autres animaux partent dans 29 autres départements. Le troisième client de Bernard Lorton est une coopérative située à Reims Marne. Elle achète 310 animaux, 7 % du total, principalement des jeunes bovins replacés chez ses adhérents. Le cinquième débouché est un commerçant des Deux-Sèvres qui reçoit 202 bovins, 6 %. Le sixième est un abattoir de Roanne Loire, où sont expédiés 132 bovins, soit à peine 3 %. Les 200 autres clients se partagent 1 346 têtes en petites quantités. 51En 1993, le Rhône est le principal débouché, avec 6 417 têtes, soit 44 %. Le plus gros client de Bernard Lorton se trouve à Lentilly, il s’agit de l’une des plus importantes sociétés exportatrices de bovins sur l’Italie, qui lui rachète 6 258 bovins, soit 43 % de l’effectif. La Marne est le second département client, par l’intermédiaire d’un seul acheteur, une coopérative qui absorbe 3 598 bovins, 25 % du total, principalement des broutards mis à la repousse chez ses membres et des taurillons placés dans les ateliers d’engraissement de cette région. Viennent ensuite l’Ain, avec 1 530 têtes, soit 11 %, dont 1 373 animaux sont acquis par un commerçant de Saint-Didier-sur-Chalaronne. La Saône-et-Loire ne reçoit que 6 % des bêtes, 809 têtes ; la Loire, 4 %, 621 têtes, dont presque 3 %, 409 têtes, par l’intermédiaire d’un commerçant du Coteau. Le cinquième client est une SICA de Besançon qui reprend 387 têtes, soit à peine 3 % du total. Le sixième client est le commerçant des Deux-Sèvres, chez qui Bernard Lorton envoie 151 animaux, principalement des vaches qui sont revendues à des engraisseurs de cette région. 33 autres départements clients sont identifiés, ils ne reçoivent chacun que des petits nombres de bestiaux. * * * Conclusion S’adapter pour résister 52Ainsi, l’étude micro-économique des échanges de bovins à travers les archives privées d’un négociant apporte une connaissance au plus près du fonctionnement du commerce. L’étude du réseau des fournisseurs de bétail et de celui des clients permet de mettre au jour les circuits d’écoulement du bétail. Un travail sur la longue durée permet d’appréhender le passage progressif du maquignonnage » à la professionnalisation. L’approche monographique du commerce, en termes quantitatifs effectifs des bovins déplacés, temps de stock, marges, etc. précise le mouvement du négoce et sa rentabilité, de même que les modèles et les modalités du dynamisme agricole 61. 53On assiste depuis le milieu des années 1970 à une évolution lente des exploitations et des systèmes de commercialisation. Le négoce traditionnel a dû faire face à de profonds changements qui auraient pu le mettre en péril. Il a pourtant su s’adapter, comme en témoignent les archives étudiées. Le premier de ces changements concerne le développement du système coopératif. Au début de la période, en 1969, selon une étude réalisée par le service économique de la chambre d’agriculture sur la commercialisation des productions, l’organisation commerciale n’est pas remise en cause et elle est jugée plutôt favorablement 62. Les acteurs sont attachés à une logique économique qui est celle de la concurrence sur un marché libre 63. Sur un échantillon de mille éleveurs interrogés, seulement 30 % sont favorables au développement de groupements de producteurs 64. Au sein du Charolais-Brionnais, où l’individualisme des exploitants est grand, ils vont mettre du temps à s’installer, d’autant plus que les mésaventures de certaines structures de Saône-et-Loire ont pu contribuer à entretenir une crainte à leur égard. Pourtant, peu à peu, au cours des décennies 1970-1990, les coopératives vont émerger, encouragées par les concentrations en fin de filière et certaines aides financières, liées à l’installation ou aux bâtiments, accordées en priorité à leurs adhérents. Les éleveurs qui jugeaient les marges des négociants excessives se sont aussi tournés vers cette forme d’écoulement de leurs animaux. Néanmoins, la très faible part du marché prise par la coopération sur le marché de la viande en Saône-et-Loire, 20 % au maximum si l’on prend en compte le gras et le maigre, devrait suffire à rappeler que le système charolais est un système social, dans tous les sens du terme, qui reste très cohérent et marqué par un mode de commercialisation 65 le négoce privé. 54Le second changement est lié aux mutations des structures en fin de filière. À partir des années 1970, face aux transformations en marche dans le circuit de la viande, développement des centrales d’achat et des grandes surfaces, abattoirs industriels nécessitant un approvisionnement régulier en quantité et homogène en qualité, qui l’atteignent par l’aval, le négoce traditionnel tente de s’imposer en amont comme intermédiaire indispensable afin de contrecarrer l’évolution qui se dessine à ce stade. Les entreprises modernes de distribution sont peu nombreuses et puissantes. En face d’elles, la production est dispersée 66. Des fournisseurs importants sont seuls susceptibles de satisfaire les exigences de régularité des approvisionnements 67. L’abattoir comme la structure d’engraissement industrielle nécessitent de moins en moins de partenaires. Lorsque le négoce traditionnel a su s’adapter, il a pu conserver son rôle de rassembleur d’animaux et réunir les bestiaux de plusieurs agriculteurs, en s’intercalant entre eux et le maillon suivant de la filière 68. 55Un troisième changement tient au développement de la production de jeunes bovins qui aurait pu avoir des conséquences négatives pour les commerçants. En effet leur privilège en matière de connaissance des animaux et d’estimation s’atténue. La valeur de ces bestiaux est de plus en plus appréciée d’une façon objective » et indiscutable, par le passage sur une bascule et le respect d’une grille de prix au kilogramme. La possibilité de spéculer à la hausse devient impossible. En contrôlant le marché du maigre, 78 % des ventes d’animaux se font par leur intermédiaire. Dans les années 1980 69, les négociants ont su s’imposer comme intermédiaires indispensables afin de répondre aux besoins des structures d’engraissement, françaises et principalement italiennes et espagnoles. Cependant, nombreux sont les négociants qui travaillent sur du bétail maigre. Certains connaissent mal le commerce du bétail gras et ont peu d’impact sur celui-ci, ils en auront d’autant moins que les acteurs opérant en fin de chaîne deviennent de plus en plus puissants et imposent leur loi à tous les stades de la filière. Le commerce du gras, à terme, met en cause l’existence même de la profession. Si le marché du maigre venait à décliner, il mettrait en péril de nombreux négociants. 56Un quatrième et dernier changement résulte de la diminution du nombre de fermes. Depuis 1979, la Saône-et-Loire perd quelques 500 exploitations par an 70. Cette chute a une incidence directe sur l’effectif des commerçants. Durant la période étudiée, si l’on s’en rapporte aux études réalisées par les structures agricoles départementales, on s’aperçoit que les négociants en bestiaux sont en nombre important mais qu’en moyenne ils ne traitent que peu d’animaux, à quelques cas près 71. Bernard Lorton fait partie de ces derniers. Mais ils constituent une catégorie en déclin. Une forte densité de fermes nécessitait un réseau de commerçants suffisant pour couvrir le territoire. Au fur et à mesure de la disparition des fermes et de l’agrandissement de celles qui se maintiennent, l’effectif des marchands se réduit. Beaucoup de petits commerçants se sont réorientés sur leurs activités d’élevage. Ceux qui poursuivent dans le négoce accroissent leur taille en se regroupant ou intègrent des structures importantes. La création de l’UNEC Union des négociants en charolais, en janvier 2003, par Bernard Lorton et trois associés s’inscrit dans ce mouvement de concentration au sein de la filière.
Fermé depuis six semaines comme de nombreux marchés de gros, le marché aux veaux de Saint-Laurent de Chamousset est une institution pour le village du Rhône. Il pourra rouvrir dès lundi 27 avril, mais sous une forme un peu différente. A Saint-Laurent-de-Chamousset, c'est une tradition qui a plus de 500 ans. Tous les lundis matin, à 10h, sonne la cloche du marché aux veaux. Mais depuis le 17 mars, son glas ne résonne plus sous la voûte de la Halle communale. Elle retentira à nouveau dès demain matin 27 avril. Les négociants pourront alors à nouveau se lancer dans une course contre la montre pour acheter les plus belles bêtes. C'est un marché très important pour la vie du village, c'était nécessaire qu'on le rouvre au plus vite », explique Pierre Varliette, maire de Saint-Laurent-de-Chamousset. Cinquième plus grand marché au gros de France, celui de Saint-Laurent attire chaque semaine une centaine d'agriculteurs et une vingtaine de négociants en bétail de toute la région. Sa réouverture est donc une excellente nouvelle pour les éleveurs, la crise sanitaire ayant fortement impactée leurs revenus. Il était fondamental que nous puissions rouvrir d'abord pour la pérennité même de ce marché, mais aussi pour assurer la stabilité des prix et assurer des revenus corrects à nos agriculteurs », ajoute Pierre de la vente sera néanmoins impactée. D'ordinaire, elle se fait de gré à gré, les négociants abordent individuellement les éleveurs à qui ils souhaitent acheter des bêtes. Mais pour respecter les règles de sécurité sanitaire, c'est sous une forme différente que va rouvrir le marché. Dès demain, pour éviter les regroupements, les agriculteurs rentreront sur un ring spécialement mis en place et présenteront, à distance, leurs bestiaux aux négociants. Un négociateur se chargera de relayer les offres. Il s'agit ni plus ni moins d'une vente aux enchères, comme cela se pratique beaucoup. Mais c'est une solution provisoire, nous souhaitons revenir à l'organisation initiale dès que possible. Car négocier de manière individuelle, c'est ce qui fait la spécificité de notre marché et ce qui assure aux agriculteurs le meilleur prix », promet le maire.
marché aux bestiaux saint laurent de chamousset